vendredi 12 décembre 2008

Lumières


Visible jusqu’au 31 janvier, l’installation plastique « Lumière » éclaire déjà le café associatif rémois Cafégem. Une œuvre collective pleine d’éclat.

« Forme, texture, couleur » : c’est de ces 3 mots là qu’est partie Armelle Blary, artiste plasticienne à la tête d’un nouveau collectif d’apprentis créateurs, dans le cadre d’un projet soutenu par la DRAC et l’Agence Régionale Hospitalière. Près d’une vingtaine de pensionnaires du foyer l’Amitié, établissement rémois de réadaptation ou de convalescence psychiatrique, ont ainsi participé à l’élaboration d’une œuvre plastique originale : leurs dessins, de formes plutôt simples et familières, ont été réinvestis et gravés à la pointe sèche sur des plaques de plexiglas. Suspendues côte à côté à la manière d’un mobile, ces plaques sont aujourd’hui éclairées par un projecteur : « la lumière s’arrête là où on a travaillé », explique Armelle Blary au sujet du nom de l’œuvre, au-delà des « forme, texture et couleur » imposées. Et en effet, attirant le regard tout en transparence, les bandes se reflètent entre elles faisant presque ainsi danser les dessins... sur les murs qui les entourent.
Bar et œuvre d’art
Créée il y a 2 ans dans le cadre de la législation sur les Groupes d’Entraide Mutuelle (–gem de Cafégem), l’association semble fidèle à sa vocation : lieu d’échange convivial, le café propose différents clubs et ateliers (bar non alcoolisé, cuisine, informatique, jeux…) visant à faciliter l’insertion sociale de personnes connaissant des troubles psychiques, ainsi qu’à lutter contre leur isolement. Mais il accueille aussi des spectacles (théâtre, concerts, lectures…) et des expositions visibles par tous : « installer leur travail collectif dans un lieu ouvert constitue une véritable passerelle entre le groupe d’adhérents et le public extérieur », reconnaît Armelle Blary. Passez donc y prendre un café, vous verrez.

Cafégem, 12r Passe-Demoiselles à Reims

dimanche 16 novembre 2008

vendredi 7 novembre 2008

«Afterthought» : quand la pensée se met en retard...

Jusqu'alors installé à Châtillon-sur-Marne dans l’ancienne demeure d’une actrice de cinéma muet, l’espace de création contemporaine IrmaVepLab emménage à Reims. Impressions.

Un vernissage sans lumière, sans discours, sans champagne et… sans œuvre d’art.Des dizaines de gens qui arrivent au compte-goutte, qui se connaissent tous, polis, se saluent, prennent des nouvelles, font des projets. Ils portent des coiffures design ou des cartons à dessins, viennent de Paris pour certains, et cherchent à comprendre ce qui se passe ici.

« On attend quoi, là?
- Je ne sais pas, il va sans doute y avoir un speech ».

Tout s'explique : c'est de l'art contemporain, et tout doit s'expliquer. Mais le speech ne viendra pas. Les gens sur le trottoir semblent unanimes, même s’ils refusent de l’admettre, ou alors à demi-mot : il n’y a pas grand-chose à voir. "Mouais… ça ne me parle pas". Du coup, on n'en parle pas davantage. L'expo? Deux vidéos qui tournent en boucle (un homme dans la montagne et un garçonnet qui entoure un élastique autour d'une table), principalement. Ah, elle a beau jeu la vidéo ! Irremplaçable composante de l’art contemporain. Ca occupe, remarquez : des images, des couleurs, du mouvement, de la musique de fond... Le public est scotché, essaye d’analyser. Et puis plus loin, une poutre suspendue et un tas de cailloux ressemblant à des éponges. A l’étage, décevant couloir ne débouchant sur rien, quelques dessins gris et un texte écrit en tout petit-petit dans un grand cadre. Voilà. 8 minutes top chrono.

Le lieu? 240m2 derrière une porte cochère, qui font la fierté de l’association (soutenue par la DRAC et le Conseil Régional). Quelqu’un dit : « on se croirait dans La Petite Maison dans la prairie : une grange de ferme abandonnée ». Mais, exit Carrie Ingalls se mouvant dans la pelouse fraîche du Minesotta, on ne prend que plâtre, poussière, charpente et enduit qui salit les habits. Ce côté brut a des amateurs. Peu d'éclairage, température entre intérieur et extérieur, mise en valeur modeste de l'espace... Ca c’est sûr, on est loin du musée des Beaux-Arts. Ici, c'est l'art plutôt du côté des racines. Au président de l’association, entre deux congratulations : « pourquoi avez-vous quitté Châtillon pour vous installer à Reims ? » Réponse éclairée : «Ben… parce que le propriétaire de l’ancien lieu, qui hébergeait l’espace de création, a vendu la maison ». Mais encore ? Le concept est là, affirmé et reconnu, prêt à accueillir un nouveau public de curieux… avertis.


samedi 1 novembre 2008

Monocycle et multi-plaisirs

En avril prochain se tiendra à Reims la 5ème Coupe de France de monocycle. Rencontre au Gymnase du Chemin Vert, avec l’un des animateurs du club Roul ma Pool.

Le mardi, de 18 à 20h, c’est entraînement sur une roue pour les gamins du quartier : parties de basket, sauts de palettes, course sur des planches et avant tout, essayer de garder l’équilibre. Du tricycle au monocycle, il n’y a que 2 roues… et pas mal d’heures de travail. « Le vendredi, ce sont plutôt des adolescents ou des jeunes adultes qui viennent au club. Certains d’entre eux sont d’ailleurs très doués », reconnaît Christian Pennaforte, l’un des animateurs de cette association comptant entre 15 et 20 participants réguliers. « Au-delà de la compétition, la Coupe de France sera avant tout un bon moyen de rencontrer d’autres adeptes et d’échanger avec eux autour de cette passion ». Une passion, mais pas seulement : le monocycle a le vent en poupe, la fédération ayant vu doubler le nombre de ses adhérents entre 2004 et 2006. « Depuis quelques mois, je pars même travailler le matin en monocycle », ajoute-t-il. Et en cas d’intempéries, Monsieur parade avec un parapluie : un des nombreux avantages du vélo sans les mains.
La petite roue à grande échelle.
Une cinquantaine de clubs seront attendus, ainsi que des participants individuels : entre 300 et 500, au total. La seule condition : être inscrit à la Fédération France Monocycle. Au programme de ces 3 jours notamment, course d’orientation au Parc de Champagne, tournoi de Basket à René Tys et balade en ville : « un bon moyen de faire découvrir Reims aux monocyclistes venus d’ailleurs, mais également de montrer aux rémois tout ce qu’on peut faire sur cet engin ». Un engin qui vaut entre 70 euros (la moitié d’un vélo moins le guidon) et 400 euros (plutôt la roue de la fortune). Jonglage, cross, saut en hauteur, montée ou descente d’escaliers, et même courses de lenteur : c’est à celui qui se déplacera le plus lentement possible sur une planche, en avant ou en arrière et sans s’arrêter (le monde ne tourne décidément pas rond). Durant la manifestation, différentes activités seront également proposées : un petit festival récompensera ainsi les meilleures vidéos d’amateurs (2500 réponses pour « monocycle » dans YouTube). Ce sera camping pour tout le monde : une véritable piste aux étoiles.

vendredi 24 octobre 2008

mercredi 22 octobre 2008

Les langues de peinture se délient...


Visible au C.C.A.S (Centre Communal d’Action Sociale) jusqu’en novembre, l’exposition « Langues de peinture » réunit les habitants d’un quartier. Inauguration.

C’est dans la continuité du projet « Autre peau/Autre ville », série d’actions artistiques visant à sensibiliser les habitants du quartier Croix-Rouge à la démolition des immeubles situés Cours Eisenhower, qu’a vu le jour l’exposition « Langues de peinture ». Initiée en 2007, l’opération avait déjà livré une installation plastique éphémère sous le porche du n°25, exposant l’intérieur d’une chambre, tout en meubles et petites habitudes quotidiennes. « En démolissant ces immeubles, on n’abat pas seulement du béton », confie Armelle Blary, artiste plasticienne en charge du projet. « Pour certaines personnes, c’est 30 ans de vie qui sont happées en quelques secondes. L’ambition de cet atelier était de faire émerger la sensibilité et l’émotion ressenties à l’égard de ces modifications du paysage ». Quelques habitantes du quartier se sont donc particulièrement investies dans le projet. Sous l’impulsion d’Armelle Blary, très présente à leurs côtés, des dessins ont été réalisés autour du thème de la maison (appartements, meubles, objets…), avant d’être reproduits sur de grands bandeaux de peinture, qui font aujourd’hui la fierté de leurs auteurs. « La rénovation des quartiers est un évènement parfois traumatisant, accompagné de nombreuses inquiétudes concernant l’avenir », reconnaît Eric Quénard, président de l’organisme logeur Reims Habitat. « Mais il ne faut pas perdre de vue l’objectif de ces restructurations : il s’agit avant tout d’améliorer le cadre de vie des résidents afin qu’ils s'y sentent mieux ». Car outre l’expérience commune de la transformation d’un paysage, cet atelier a surtout été l’occasion de réunir des familles, des femmes en situation parfois difficile et aujourd’hui, d’inviter les quartiers à se rencontrer. L’exposition « Langues de peinture » se tient donc dans les locaux du CCAS, rue Voltaire, prête à faire connaître et partager cette expérience humaine qui dure depuis 18 mois.

samedi 18 octobre 2008

Invitation au voyage chez Rose et son roman.

Jusqu’au 12 janvier, c’est autour d’une tasse de thé que vous pourrez contempler les peintures, sculptures et carnet de voyage de Catherine Lê Van, artiste d’origine vietnamienne.

18h30. Une foule de connaissances, d’habitués, peut-être, et de curieux, se presse à la librairie Rose et son roman. On bavarde, on tourne des pages et plus particulièrement ce soir, celles d’un intrigant autre livre rouge aux promesses orientales : Mon Oncle de Hanoï. Entre deux échanges, Catherine Lê Van, paisible et attentive, se souvient : « Je suis allée au Vietnam pour la 1ère fois en 1994, avec mon père. Nous avions toujours rêvé de partir sur les traces de nos ancêtres, à la rencontre de notre famille ; ce pays nous fascinait ». Le petit livre rouge est en fait son carnet de voyage, qui rassemble les dessins, croquis de lieux, visages et autres instants intimes du séjour, ainsi que de courts textes racontant son histoire de famille. « J’ai découvert la maison de mon oncle, mes cousins, leur façon de vivre et surtout, une nouvelle source d’inspiration. J’ai eu envie de travailler autour de thèmes différents ». Depuis, elle y passe environ un mois par an, à la recherche notamment des objets traditionnels qu’elle place au centre de sa peinture : paniers à riz confectionnés dans des tribus vietnamiennes, pots en bronze, paniers de pêche salis par le temps… Des objets neutres mais confidentiels, dont elle efface un peu du caractère exotique. Les couleurs, plutôt sombres, ainsi que l’absence de superflu, de détail, confèrent à ses toiles une allure occidentale en vogue. « J’ai eu l’occasion de rencontrer de jeunes artistes vietnamiens, lors de mes séjours : ils se dirigent vers une peinture de plus en plus moderne et recherchent de nouveaux supports d’expression. La soie et la laque, par exemple, sont délaissées au profit de techniques aux influences européennes évidentes ». Mais pour l’artiste, qui travaille également depuis toujours sur le thème de la mer, ces voyages sont aussi l’occasion de découvrir des méthodes plus traditionnelles et de subir en retour, l’influence orientale. Papier de riz, encre de Chine, portraits aux tons plus doux et plus évocateurs… La peinture de Catherine Lê Van, sobre et sophistiquée à la fois, a quelque chose qui lui ressemble. Son prochain départ est, quant à lui, fixé pour la fin du mois de novembre.

mercredi 15 octobre 2008

Culture et fantaisie : piliers du « Comptoir des Rêves »

A quelques semaines de son deuxième anniversaire, la librairie-café est plus éveillée que jamais. Petite visite guidée.

11h devant le 6, rue du Barbâtre. L’enseigne, teintée de jaune et bleu, attire le regard et invite à s’approcher davantage : derrière la vitrine, livres et bandes dessinées côtoient de petites figurines, lutins et autres trolls, achevant de convaincre un amateur hésitant à pousser la porte. Chose faite. A l’intérieur, le comptoir et, tout autour… les rêves. A commencer par ce parfum de grains de café, moulus à l’ancienne par le libraire lui-même, accompagnant les bavardages jusqu’au petit salon. Un véritable retour vers le futur. En guise de décoration, quelques objets discrètement parsemés, cartes postales, mugs et carnets féeriques, ainsi que des toiles empreintes d’un univers fantastique. « Je les expose, mais je ne les vends pas », plaisante Julien Ferré. « Je peux juste mettre en relation le peintre avec les gens intéressés, ou simplement curieux». Car bien plus que la vente de livres, c’est la vocation culturelle de son projet qui importe : faire de sa librairie un lieu d’échanges, notamment grâce à la découverte et à la rencontre de conteurs, musiciens, et auteurs, autour d’une passion commune. Celle des «mauvais genres, souvent dénigrés, mais qui regorgent pourtant d’intérêt » : fantastique, merveilleux, science fiction, policier… tout ce qui, en somme, évoque l’évasion et l’imaginaire. Au fil des rayons, on découvre ainsi romans, nouvelles et mangas, neufs ou d’occasion, best-sellers ou plus confidentiels. De Peter Pan au Seigneur des Anneaux, il y en a pour tous les rêveurs : Dorine, épouse du libraire en charge du rayon jeunesse, précise : « j’essaye de choisir des livres bien illustrés, dans des genres variés et adaptés aux différentes tranches d’âges ». Ce petit coin, réservé aux apprentis sorciers, est d’ailleurs celui qui connaît le plus vif succès tandis qu’un rayon philosophie/psychanalyse est en cours d’élaboration, sur les thèmes du rêve et de la mythologie. Auprès de la clientèle, le lieu semble faire l’unanimité. Certains sont des habitués qui viennent y déjeuner sur le pouce (ou sur la terrasse) tandis que d’autres ne s’y arrêtent qu’à l’occasion d’évènements particuliers : dédicaces, lecture de contes, slam… Intuition ou prémonition : le Comptoir des Rêves peut encore compter sur de beaux jours.

mercredi 8 octobre 2008

Baisse du pouvoir d'achat

19h25, octobre 2008, Crise financière et Mois-de-l'Hyper-Pouvoir-D'achat chez Carrefour.

mercredi 1 octobre 2008

"Portrait d'un lycée"


Dans le cadre des projets culturels d’établissements (financés par le Conseil Régional à hauteur ici d'environ 12000 euros), l’œuvre de l’artiste plasticien Ismaël Kachtihi del Moral a été saluée avec l'inauguration des nouveaux locaux du lycée Joliot Curie. Ce « Portrait d’un lycée », première résidence d’artiste dans la région, est censée s’inscrire dans une démarche d’ouverture culturelle et pédagogique... Hélas, elle n'est visible que du premier étage, et encore qu'à moitié. Au milieu de ces plaques bleues, posées sur la pelouse, sont recopiées les phrases naïves et ado des élèves, illisibles vues d'en haut. D'ailleurs illisibles aussi vues d'en bas, à moins de se pencher dessus à la verticale : "mon orthographe n'est peut-être pas parfaite, mais je peux penser" dit l'une d'entre elles. Mais à quoi donc? Un travail sans beaucoup de relief, sans trop de fatigue...



dimanche 27 juillet 2008

Le cirque et le virtuose

Indécence collective.

C'est un dimanche de juin, la température extérieure avoisine les 30°C, il est 18h et la journée a été bonne pour tout le monde. On est resté à table jusque 17h45 et quand le poulet rôti a enfin été avalé et la partie de Scrabble terminée, on s'est décidé à "faire quelque chose". Une balade, un musée, du jardinage. Et pourquoi pas ce concert gratuit, dont ils ont parlé dans le journal ? On peut y être dans dix minutes, si on se dépêche. Papy et Mamie se réjouissent à l'idée de sortir un peu mais hésitent car ils savent qu'il va falloir faire la queue longtemps, et qu'avec cette chaleur, on risque d'avoir très très soif. Un des fils, un peu plouc, est tout excité parce que dans ce genre de manifestation, souvent, il sait qu'on offre de la pub coca bien fraîche à la sortie. Quant à son frère, très jeune papa ayant eu beaucoup plus de chance dans la vie, il se sent soudain investi d'une mission éducative divine. C'est l'occasion où jamais d'écouter de la vraie musique. Dehors, la queue mesure plusieurs dizaines de mètres. Chacun a ses raisons que la raison ignore.

La bru, épouse du jeune papa, s'émerveille tout d'abord devant la beauté de la salle : ronde comme un chapiteau, avec des gradins un peu rudes, une charpente en bois, des rideaux rouges aux fenêtres et une piste au milieu. Tout en bas et qui brille comme un sou neuf, il y a un vrai piano et non loin de lui, un pianiste (il paraît que le monsieur qui a l'air si sérieux sur la photo, Krystian Zimerman, est célèbre dans le monde entier et pourvu d'un grand talent). Tout autour, des badauds qui s'ébaudissent à l'unisson en n'attendant qu'une seule chose : un clown, un montreur d'ours ou un funambule. Les mains font clap-clap, d'ailleurs souvent dans un moment parfaitement inopportun.

Passons outre les toux, éternuements et autres mouvements corporels gênants mais imprévisibles. Passons même outre un léger et bref bavardage à deux voix basses entre deux morceaux ; tout cela est presque naturel, une salle de spectacle, il faut que ça vive, que ça respire.
Passons outre les cocottes qui s’éventent pendant toute la durée de la représentation parce que leur température interne a augmenté de 0,2°C. Passons même outre les trois ados qui quittent la salle dix minutes à peine après le début du concert (au moins, ils avaient pris soin de s’asseoir près de la sortie) ; la jeunesse excuse l’ignorance.

Mais, pile-poil entre deux mouvements, lorsque tout est parfaitement calme, que chacun retient son haleine pour accompagner le pianiste qui s’apprête à reprendre son élan, la sonnerie d’un téléphone, ridicule de surcroît, retentit. Le tintamarre ne peut échapper à personne. Le public s’offense, doucement. L’incident passe. Le pianiste poursuit. Mais, presque aussitôt, un autre téléphone sonne. Les voix grondent davantage, avec la muette intention de bannir à tout jamais ces hurluberlus de la moindre salle de spectacle, de cinéma, et même de la moindre salle d’attente de médecin ou du moindre guichet de banque. Il faudrait faire comme pendant le baccalauréat, il faudrait employer des surveillants pour dire et répéter : « n’oubliez pas d’éteindre vos portables et laissez-les bien au fond de vos sacs, tout au fond, là où il n’y a plus aucun risque ni aucune tentation ». C’est ce que fera un des organisateurs, un peu gêné, en passant dans les rangs pendant l’entracte. La jeune maman approuvera tout haut tandis que son "beauf" éteindra discrètement son portable.

Réjouissons-nous : le public n’a cependant pas encore atteint le sommet de sa stupidité. Au milieu de ce Cirque malencontreux, le pianiste casse accidentellement une corde sur son piano – phénomène exceptionnel, mais il faut avouer qu’il frappait un peu fort sur son clavier. Un facteur de secours arrive aussitôt et se met au travail, penché, courbé, l'oreille tendue tant qu'il le peut en direction de la machinerie. Dès lors que le violent virtuose a quitté la scène, le public s’agite, tout le monde se retourne, se parle et une immense rumeur envahit la salle circulaire en une fraction de seconde. A croire qu’ils n’attendaient que ça ; une petite pause. C'est un entracte-cadeau, cinq minutes après la fin de l'officiel. Les choses qu’ils ont à se dire ne peuvent pas attendre, ils sont pressés, ils craquent, il faut libérer la tension. Dehors, il se met à pleuvoir. C’est deux jours après le début de l’été, l’atmosphère est orageuse, tendue, il y a de l’électricité dans l’air, la pluie est violente. Alors un à un, les gens situés tout en haut des gradins se lèvent, soulèvent les rideaux, de part et d’autre de la salle, faisant entrer chacun leur tour un rai de lumière venant choquer la pénombre du lieu. C’est la première fois qu’ils voient la pluie. C’est presque mieux que la mer, mieux que la lune, c’est passionnant. En plein milieu d’un morceau inachevé, pendant que quelqu’un travaille en bas et que quelqu'un d'autre attend de rentrer sur scène, des « oh » et des « ah » fusent de toute part.
C’est terrifiant d’irrespect.
Mais papy et mamie étaient contents.